N'AIES PAS HONTE DE TA SENSIBILITÉ
Voici un témoignage assez personnel que je te livre aujourd'hui, à la suite d'une longue réflexion que je me suis faite ces derniers mois.
(Nb : dans cet article je parle de "masculin" et de "féminin" pour simplifier l'écriture et ne pas te gaver avec mille parenthèses partout, mais je n'exclue bien évidemment pas l'existence des autres identités (non-binaire, etc))
Durant beaucoup d'années de mon existence, pleurer a souvent été associé à une faiblesse, à quelque chose de "féminin" aussi. Quand j'étais enfant (jusqu'au collège on va dire), on nous inculquait encore l'idée selon laquelle les genres étaient limités au "masculin" et au "féminin", avec des caractéristiques associées telles que : féminin = douceur, sensibilité, ... faiblesse. Ou encore, masculin = force (mentale et physique (musclé, ...) puisque l'homme "doit être fort en toutes circonstances"), éviter de trop montrer ses sentiments, etc.
Je grossis les traits bien entendu, mais l'idée était là.
Quand j'étais plus petite, j'aimais passer du temps avec les garçons, je jouais un peu au foot, je faisais la course, j'avais un esprit de compétition relativement acéré. Tandis que la plupart des filles (avec lesquelles je m'entendais également très bien) restait généralement plus tranquille ou faisait des jeux estimés plus calmes.
Nous étions très peu nombreuses à participer aux "jeux des garçons", j'étais honorée d'en faire partie, d'être un peu différente.
En réfléchissant un peu à mon attitude de l'époque (primaire), je pense qu'en dehors d'une véritable envie d'amitié, j'avais inconsciemment assimilé le fait que le comportement plus "masculin" était considéré comme meilleur que le comportement féminin. Peut-être à cause des moqueries lancées aux personnes qui pleuraient, ou encore à cause des taquineries du style "oh on dirait une fille", ou tout plein de choses qui faisaient qu'être une fille ben... ce n'était pas si chouette que ça. Du haut de mes 8 ans j'avais envie de casser l'image que mes amis avaient des filles, parce que si être une fille c'était être faible, je n'avais pas envie que l'on m'associe à tout ça. Agir différemment du cliché que l'on a des filles, pour ne pas être "juste une fille".
"Être fort pour cacher sa sensibilité"
Mais derrière cette volonté de coller à certaines attitudes dites masculines, se cachait aussi un désir de ne pas se montrer "faible". Étant quelqu'un de très sensible, je m'étais dit que cette caractéristique allait me desservir, sous prétexte que montrer ses faiblesses c'était prendre le risque que les autres puissent nous faire du mal (Manque de confiance ? Ça c'est clair).
J'ai donc décidé de cacher ma sensibilité, pour ne pas que l'on s'en serve contre moi, pour ne pas prendre le risque d'être blessée.
Cet état d'esprit a perduré jusqu'à il y a peu, bien que le temps m'ait aidé à oser me montrer, par petites touches, ce n'était pas encore parfaitement ça.
Ne pas montrer sa sensibilité revenait à penser à autre chose face à ce qui pouvait me tirer une larme : devant les films (astuce que j'utilisais beaucoup, se concentrer sur les techniques cinématographiques durant la scène pour être moins ancrée dans l'émotion, ça marchait aussi sur les scènes effrayantes c'était plutôt pratique), à la vue de quelque chose d'émouvant, je ne voulais pas pleurer. "Ne pas montrer de faiblesse"
C'est dommage, je me suis sans doute privée d'émotions spectaculaires, parce que je ne m'autorisais pas à les vivre par peur des gens en face de moi.
Je constate aujourd'hui que cette injonction à se montrer fort, tout droit descendue du cliché lié à la masculinité, est quelque chose qui est encore fortement incrusté dans la société dans laquelle tu (en tant qu'individu masculin, mais aussi féminin, etc) évolue.
Mais il y a quelques mois, je me suis dit ça suffit.
"Ce n'est pas une faiblesse."
Tu as le droit d'être sensible. Tu as le droit de pleurer sans crainte d'être jugé parce que c'est quelque chose de naturel. Tu as le droit de montrer tes émotions si tu en as envie.
Il n'y a pas de "tu pleures comme une fille", il n'y a pas de "ne pleure pas, soit un homme". Tu es un être humain, pas une machine. Tes émotions existent pour une raison, n'aie plus peur d'elles. Elles sont là afin de te faire comprendre quelque chose pour t'aider à aller mieux plus tard.
Notre société nous incite à rester "digne" constamment, mais peut nous faire occulter une partie de nos émotions, ne nous donnant pas la possibilité de les affronter.
Nb : je ne veux pas dire par là que c'est une obligation évidemment, si tu n'oses pas exprimer tes émotions et que tu le vis réellement très bien alors tout va bien, mais si jamais un jour tu ressens le besoin de le faire, n'hésite pas.
Ce constat s'applique à toute personne, mais je l'ai particulièrement remarqué chez les garçons, de par l'injonction à une supposée virilité "attendue" chez les hommes. À ce sujet, quand j'étais en plein milieu de la rédaction de cet article, je suis tombée sur ce long-métrage : "Dans le noir, les hommes pleurent". Le réalisateur Sikou Niakate, suite à une rupture amoureuse difficile, se met à réfléchir aux attendus de la société par rapport aux hommes. Il décide alors de mettre en scène des hommes qui s'expriment, avec une grande sincérité, sur la notion de virilité notamment, par différents angles : "le droit aux larmes, le conditionnement, le sexe". Il dure 50 minutes, j'ai été très touchée en le voyant, le visionnage en vaut largement le coup !
Aujourd'hui, je n'ai plus envie de toujours contenir mes émotions, de retenir mes larmes devant les films, de renier les sentiments que j'avais envie d'exprimer mais que je canalisais pour me sentir moins vulnérable. C'est en réalité plus épuisant qu'autre chose... Et si jamais cela te parle, je voudrais te dire ceci :
"Personne n'est autorisé à te dénigrer quand tu exprimes tes émotions, alors n'aie plus peur : tu as le droit de pleurer, le droit de te relâcher. Ne rejette pas la part de sensibilité qui est en toi."
Prend soin de toi.
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